Souhaitant minimiser au maximum son empreinte carbone en construction, Étienne Vigneron s’est lancé dans un projet de plus de 3 ans afin d’offrir un foyer confortable, écoresponsable et durable à sa famille.
Située en Estrie, la maison Southern Comfort est une construction passive de 2300 pi2 certifiée LEED Platine depuis l’automne dernier.
Repenser son mode de vie
Comme bien des gens qui, aujourd’hui, passent à l’action pour construire un monde plus conscient de son environnement, Étienne Vigneron est tombé dans le moule bien jeune. Charpentier à 19 ans et déjà dépassé par la pollution engendrée par son milieu de travail, il a toujours été passionné par la construction écologique. «Je voulais changer le monde dans le mood rêveur, mais pas trop sûr de savoir par où commencer. J’ai fini par tomber dans le moule — métro, boulot, dodo.» Quelques années plus tard, c’est en travaillant sur un contrat de construction en chaîne à Calgary que le déclic s’est officiellement fait.
«Des chantiers à perte de vue, d’un bout à l’autre de cette ville qui s’étend dans les prairies pour siphonner tout ce qu’ils peuvent des sables bitumineux. Pendant que je réalisais que je participais à l’effondrement de la vie sur Terre, je regardais des vidéos tels que Garbage Warrior sur YouTube. Puis, je suis tombé sur un programme de stage organisé par Solution Era. J’ai tout lâché pour m’embarquer bénévolement avec eux dans leur programme SuperHéro sur les terres de TerraPerma! 10 semaines off grid à construire un Earthship avec une gang de hippies désireux de changer le monde. La plupart n’avaient jamais tenu un marteau!»
Grâce à cette expérience marquante, Étienne décide de se lancer dans l’autoconstruction d’une nouvelle maison passive et écoresponsable. Sa copine Marilou accepte d’embarquer dans le projet, mais à une seule condition: pas question d’habiter dans une maison de hobbit sous terre. C’est à ce moment qu’Étienne trouve son inspiration: «C’est là que j’ai su que si je voulais changer le monde, je devais faire de quoi de sexy qui n’allait pas trop choquer les gens! C’est comme ça que je me suis mis à dessiner les premiers croquis de la maison Southern Comfort.»
Construire en minimisant son empreinte carbone
Afin de réduire au minimum l’impact environnemental de la construction de la maison Southern Comfort, Étienne et Marilou ont utilisé des techniques et principes de maisons passives pour bien contrôler l’énergie consommée par le bâtiment.
L’empreinte carbone d’un bâtiment prend en compte autant l’énergie qu’il consomme (chauffage, climatisation, appareils électriques) que les matériaux choisis et utilisés pour sa construction. La réalisation d’un nouveau projet doit donc s’approvisionner le plus possible en matériaux naturels de source locale. En utilisant du bois naturel pour la construction et de la cellulose pour l’isolation, l’impact environnemental de la maison Southern Comfort est donc bien moins important que celui d’une construction traditionnelle.
Grâce à une structure sans ponts thermiques combinée à une isolation et une étanchéité accrue, il leur a été possible d’augmenter le facteur R du bâtiment et ainsi diminuer l’impact que peut avoir la température extérieure sur celle de l’environnement interne de la maison. L’énergie nécessaire pour éclairer, chauffer ou climatiser la maison est alors fournie par un design solaire passif, alors que l’orientation de la maison joue un rôle clé afin d’emmagasiner la chaleur et l’énergie naturelle du soleil. De plus, grâce à un ventilateur récupérateur de chaleur, ils se sont assurés d’avoir en place un système mécanique efficace pour diminuer les pertes thermiques et les pertes d’énergie.
Pour adhérer aux mêmes principes que la construction de la maison Southern Comfort, il faut donc s’assurer de mettre en place les différents éléments dans un environnement réfléchi. L’énergie n’est ni créée, ni perdue, elle est plutôt récupérée, emmagasinée et redistribuée de manière intelligente.
Prendre conscience de son environnement
Selon Étienne, pour construire une habitation avec impact minimal sur son environnement, il faut d’abord se renseigner sur les principes de la permaculture et comprendre comment s’implanter sur le terrain choisi. Avec une bonne compréhension de ses éléments, il est possible de contribuer à l’essor de la faune et de la flore, mais aussi de la communauté qui nous entoure.
Il faut ensuite prendre en considération l’empreinte carbone des matériaux, mais aussi des étapes de production, de transformation et de transport pour chacun d’eux. Finalement, il est crucial d’évaluer l’efficacité énergétique du bâtiment, afin de réduire les pertes et de générer le plus de récupération possible.
«Comme on dit, on ne fait pas d’omelettes sans casser d’oeufs! On aura toujours une empreinte sur l’environnement, mais on peut la réduire par nos choix de consommations. Il faut appliquer le principe des 3R: réduire, réutiliser, recycler. C’est certain que pour nous, quitter la ville pour se foutre dans le fond du bois ne faisait pas de sens du point de vue environnemental. Il était important de s’installer dans une communauté à proximité des services (épicerie, quincaillerie, école, etc.) afin d’être le plus indépendant possible de nos voitures, mais également dans un lieu de vie où on pouvait pratiquer le jardinage à proximité de la nature et nos passions pour les sports de plein air.»
Les habitudes adoptées au quotidien ont donc un impact sur notre bilan carbone même après la construction d’une maison. En plus de bénéficier de cette proximité avec une communauté qui les accueille, il était important pour Étienne et Marilou de trouver le meilleur moyen de retourner l’ascenseur. En s’assurant d’acheter local et en échangeant certaines ressources entre voisins, comme des récoltes, des oeufs, ou même du sirop d’érable, ils posent de simples petits gestes qui contribuent à réduire leur impact carbone à long terme.
Aider les autres à minimiser leur impact
Après avoir réalisé l’autoconstruction de leur maison Southern Comfort, Étienne a rapidement compris que ce genre de projet n’était vraiment pas accessible à tous. Ils souhaitent donc maintenant partager son expérience et ses connaissances afin de démocratiser un peu plus ce type de pratiques en construction.
Grâce à son entreprise ÉcoNovation, Étienne accompagne maintenant des autoconstructeurs avec ou sans expérience afin de les aider à concrétiser la construction de leur maison passive. Selon lui, il y a trois grands facteurs à considérer pour la réalisation d’un tel projet: le temps, le budget et les compétences.
«C’est certain que l’autoconstruction est le moyen le plus difficile financièrement d’avoir accès à la propriété. Cela demande une grosse mise de fonds au départ. Actuellement, je travaille sur un projet de transformation majeur d’une vieille maison afin de démontrer qu’il y a d’autres options accessibles pour une jeune famille à plus faibles revenus.»
Il est donc tout à fait possible de considérer la construction d’une maison écoresponsable malgré un budget réduit. Par contre, il faut s’assurer d’avoir le temps, mais surtout les ressources et les compétences nécessaires pour minimiser l’empreinte carbone du bâtiment.
«Le pouvoir revient à chacun d’entre nous. Il faut voir plus loin que le bout de notre nez […] L’achat d’une maison est l’investissement le plus important de notre vie. Pour moi, l’option facile n’est jamais gagnante. C’est la même chose pour l’alimentation ou n’importe quel autre choix de consommation.»
Étienne souhaite donc continuer d’éduquer et former les gens en offrant des conférences et formations à ce sujet. Il considère tout de même qu’il y a de l’espoir alors que la demande pour des habitations passives augmente avec les générations plus jeunes.
«Les formations en construction écologique sont pleines et mon carnet de commandes est pratiquement rempli pour 2022! Je crois que c’est juste une question de temps avant que les entrepreneurs, développeurs et promoteurs immobiliers ne suivent le pas.»