La dernière année aura certainement donné envie à bien des gens de sortir de la ville pour déménager en nature. Alors que ce mouvement peut être bénéfique pour redonner un nouveau souffle à certaines régions du Québec, il peut aussi entraîner des impacts négatifs sur l’environnement et les communautés d’accueil s’il est fait trop impulsivement ou sans réflexion.
À l’avant-garde de cette vague il y a maintenant plus de 10 ans, Pierre-Philippe Côté, alias Pilou, est allé s’établir à Saint-Adrien d’une manière respectueuse pour la communauté et l’environnement. Grand créatif et touche à tout, il redonne vie à ce village qui est devenu un grand hub créatif à l’extérieur de Montréal.
Construire un système d’habitations passives
Malgré la nature de leur travail dans le milieu culturel qui les gardait d’emblée à Montréal, Pilou et sa copine ont pris la décision de quitter la grande ville pour s’établir en nature dans les Cantons-de-l’Est il y a maintenant 10 ans.
«Mon travail m’amenait à prendre l’avion et à partir pendant des semaines ou être en ville enfermé dans un studio. J’ai décidé de faire un studio à la campagne, comme ça quand je pars pendant des semaines en tournée, j’ai juste une ride de deux heures à faire jusqu’à l’aéroport,» mentionne Pilou.
Il a donc entrepris l’autoconstruction d’une maison, du studio d’enregistrement Le Nid et d’un atelier d’artiste, toutes des installations passives. Construites en argile, ces habitations sont maintenant une référence en matière de construction écoresponsable et passive: double ossature en bois, mur d’un pied d’épaisseur, planchers radiants et fenêtres triples. Grâce à ces installations, ses besoins en chauffage sont presque nuls.
En plus de l’électricité solaire, les habitations ont accès à la fibre optique, souvent impossible à retrouver en campagne. Ce service internet est disponible grâce à Espace Nature Petit-Ham, un projet de développement qui rend accessible l’autoconstruction de maisons solaires et passives dans la région de Saint-Adrien.
Afin de pouvoir offrir un endroit où dormir aux artistes et à ses invités, le studio d’enregistrement comporte une mezzanine avec une cuisine et une chambre, alors que l’atelier a lui aussi son loft d’invité avec une salle de montage audiovisuelle.
Pilou se retrouve avec le même set up de studio qu’il avait en ville, mais entouré de champ, de forêt et de lac. Plusieurs personnes ne croyaient pas à la viabilité du projet à l’époque, mais il a pris le pari de partir s’établir à Saint-Adrien en offrant des services que l’on retrouve en ville, et les gens sont au rendez-vous! Plusieurs artistes font la route pour enregistrer à son studio, sachant qu’ils ont aussi un endroit où manger et dormir entouré de champs et de forêt.
Redonner vie à l’église du village
En 2017, il fait l’acquisition de l’église du village de Saint-Adrien au coût de 1$ afin de sauver le bâtiment d’une démolition certaine. Pilou voit cette église comme le coeur du village, l’endroit où l’on veut se rencontrer et souhaite recréer le parvis d’église d’autrefois. Il veut ouvrir les portes et créer un lieu de création et de partage pour tout le monde. «Depuis le temps qu’on était à Saint-Adrien, je passais devant. Je me disais que ça n’avait pas de bon sens que ce building là dépérisse et perde toute vocation,» dit-il.
L’église abrite maintenant les quartiers généraux du Bureau Estrien de l’Audiovisuel et du Multimédia (BEAM), les bureaux de la Coopérative d’ingénieurs ALTE et un deuxième studio d’enregistrement sonore.
Après des travaux de mise à jour au niveau des fondations, du système électrique et de la toiture, le premier vrai défi a été de se débarrasser du chauffage au mazout. La solution? Installer des serveurs de cryptomonnaie au sous-sol afin d’en récupérer la chaleur et la redistribuer dans l’église.
Non seulement cette installation permet d’arrêter l’utilisation du mazout, mais elle élimine aussi le besoin en climatisation des entrepôts à l’intérieur desquels se retrouvaient les serveurs auparavant. En retravaillant l’étanchéité des cloisons et en isolant les murs, ce nouveau système de chauffage fournit maintenant 100% de l’énergie nécessaire au chauffage de l’église, même en hiver.
Repenser le monde de demain
En allant s’établir à Saint-Adrien, Pilou a réussi à créer un véritable hub créatif au beau milieu de la nature. Il souhaite regrouper des agents du milieu culturel, de l’agriculture, de l’ingénierie et du milieu entrepreneurial afin de repenser le monde de demain. «On a tout un écosystème entrepreneurial de start up d’entreprise qu’on est en train de développer autour de ce pôle créatif. De la ferme à la table, de l’idée à la réalisation. On veut vraiment être un one stop shop,» précise Pilou.
En travaillant avec la municipalité et la MRC, le but est de créer une vision commune de développement du village à moyen et long terme et d’y travailler avec l’ensemble de la population. Les projets incluent la création d’une ferme commune innovante afin de permettre aux créatifs des grandes villes de venir s’installer en région et s’établir à Saint-Adrien tout en partageant leur temps entre leurs projets et quelques heures de travail en agriculture par semaine.
Afin d’accueillir ces nouveaux venus, Pilou souhaite réimaginer l’idée du coliving. «Les plans d’urbanisme en campagne se sont faits un peu à la va-comme-je-te-pousse, maintenant on veut ramener des changements d’orientation, de zonages et de règlements municipaux pour permettre une meilleure cohésion dans nos nouveaux développements. On veut urbaniser notre campagne, mais dans le respect du village et de son environnement actuel.»